lundi 15 mars 2010

" La communication orale comme une sculpture "

Ian Wilson réalise des rencontres avec une personne ou un groupe de personnes dont l'objet est d'avoir une discussion sur un sujet philosophique spécifique. Voici ci-dessous un extrait de la page qui lui est consacrée sur le site du Manco (http://www.mamco.ch/artistes_fichiers/W/wilson.html)

C’est à partir de la fin des années 1960 à New York au contact d’artistes qualifiés de conceptuels comme Joseph Kosuth, Robert Barry ou Lawrence Weiner avec lesquels il eut de nombreux échanges, que Ian Wilson a commencé de développer un travail essentiellement basé sur l’utilisation du langage. En 1968, par exemple, une de ses premières pièces a consisté à prendre le mot « temps », pendant toute la durée de l’année en cours, comme « objet » de recherche. Ainsi, allant à un vernissage dans une galerie, si quelqu’un lui demandait ce qu’il faisait en ce moment, il répondait qu’il était intéressé par le mot temps ou encore, si on l’interrogeait sur le fait de savoir comment le temps pouvait être le sujet de ses créations, il avançait « en tant qu’il est parlé, “ temps ” ». L’ancrage langagier de son art – I. Wilson souligne qu’il n’est pas un poète et qu’il « considère la communication orale comme une sculpture » –, l’artiste l’affirme plus clairement encore dans les discussions avec des interlocuteurs divers qu’il organise en les préparant à partir de 1972. Aucun enregistrement ni aucune prise de notes ne sont autorisés au cours de ces échanges qui se déroulent en un temps limité (généralement une heure) et avec une assistance restreinte (le nombre de places disponibles pour prendre part à l’œuvre est lui aussi fixé). Un certificat signé par l’artiste atteste que la pièce a bien été réalisée. L’absolu, sa définition et sa quête, sont bien souvent au coeur des échanges. En réduisant l’art à sa dimension verbale – « tout art est information et communication », avance I. Wilson qui confirme avoir « choisi de parler plutôt que de sculpter » – l’artiste évite l’assimilation de la création à la fabrication d’un objet, ouvrant alors la voie à ce qui, en 1968, a été qualifié par Lucy R. Lippard et John Chandler de dématérialisation de l’œuvre, phénomène marquant, selon eux, l’art de l’époque. Et, de fait, mis à part le certificat signé par l’artiste, ne restent des discussions auxquelles le public a pu être convié que des souvenirs, des traces mnésiques qui font de ces échanges des moments dont chaque témoin détient une version personnelle et unique. L’art de I. Wilson généralement qualifié de conceptuel est un art de la mémoire qui fait de cette dernière une de ses composantes primordiales. Une recherche qui reconduit l’artiste et ceux qui font vivre ses œuvres à la définition du sujet humain forgée par les Grecs : un vivant à qui la parole est en propre. Cette référence n’est pas forcément illégitime quand on sait que Socrate est une figure importante voire capitale pour I. Wilson : Socrate, celui qui ne savait et qui ne faisait que parler, et dont toute l’œuvre philosophique a été reconstituée par Platon de mémoire. Comme son glorieux aîné, Ian Wilson dépose dans le verbe, et dans le verbe seulement, la capacité de produire du sens et de mettre en forme, mais il fait cela dans une visée véritablement plasticienne, conférant au discours une portée éminemment sculpturale.

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